Pourquoi le monde finit-il toujours par mal tourner, pourquoi faut-il toujours que les hommes se battent et meurent ? Pourquoi ne peuvent-ils pas tout simplement être en paix, être tout court ? Le peu d’espoir qu’elle avait de pouvoir changer le cours des choses, s’évanouit à la simple pensée qu’elle ne parvenait même pas à convaincre son propre époux.
Au vu de ce passage en guise d’introduction comme thème, le narrateur cherche à nous faire entrer d’emblée dans le vif du sujet, c’est-à-dire une grande partie de l’histoire de Flandre et de la France. Dès le départ, une atmosphère de guerre règne à la lecture des premiers chapitres, comme en témoignent par exemple les phrases suivantes : « La comtesse de Richilde a investi Lille, elle trimballe partout son fils, notre petit comte, mais Robert, son beau-frère, en a marre de cette mauvaise gestion du comté, et il a l’appui de Gand et d’autres villes, il veut en finir. Ils descendent sur Lille. Le jeune Arnoul meurt sur le champ de bataille. »
L’auteur paraît très documenté sur les différents épisodes qu’ils nous exposent. Surtout en ce qui concerne les dialogues fort significatifs des personnages au caractère trempé du récit. Un ange est envoyé et s’incarne dans les différents portraits tracés par la trame. C’est une sorte de chroniques révélatrices qui se succèdent les unes par rapport aux autres. Elles sont centrées essentiellement sur le Mont Cassel, ses alentours, et ne manquent pas de susciter le vif intérêt du lecteur . La plume est agréable et sert à souligner davantage les faits historiques ainsi racontés. Les diverses époques ressortent avec une sorte d’enveloppe philosophique qui oblige à mieux réfléchir sur ce que nous sommes en train de lire : Les grands événements décrits sont en tout cas l’aboutissement de nombreux détails fournis pour étoffer le roman. Parfois, c’est plein d’humour Parfois, c’est poignant. La couverture du livre est remarquable et résume à elle seule, le fil conducteur principal et l’ambiance qu’on rencontre tout le long des pages qui composent l’intrigue et le sujet historique ainsi mis en avant.
Roman donc à recommander si vous aimez vous plonger dans les fonds passionnants des événements du passé.
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Les événements intérieurs de l’Algérie perdaient de leur importance depuis que le gouverneur général n’accordait plus une importance exclusive et exagérée aux faits de guerre. A l’extérieur, la position d’Abdelkader vis-à-vis de l’empereur du Maroc s’aggravait chaque jour. A la fin du mois de novembre 1847, trois camps marocains s’étaient dirigés de Fez contre la daïra de l’émir, fixée depuis plusieurs mois à Casbah-Zelouan (non loin de Melilla et de la mer) : deux des fils de l’empereur étaient à la tête de ces opérations. L’un de ces corps de troupes suivait la rive gauche de la Moulouïa : le second marchait le long de la côte du Rif ; enfin le troisième conduit par le caïd d’Oujda, tenait la rive droite de la Moulouïa. Ces colonnes châtiaient sur leur passage les tribus qui entretenaient des relations avec Abdelkader et déterminaient les populations à cesser tous rapports avec l’émir. Cette situation jeta l’alarme parmi les amis d’Abdelkader : on changea de campement et on s’établit à Zaïou, pays difficile, où avaient été formés des dépôts de grains. En même temps, pour relever le courage des siens, Abdelkader envoya un agent à Ghazaouat, pour faire des propositions de paix à la France. Son émissaire fut reconduit à la frontière sans réponse. Rebuté de ce côté, il dépêcha son khalifa Bou-Hamedi auprès de l’empereur pour offrir sa soumission. Son lieutenant fut retenu à Fez. A mesure que ces faits si graves se développaient, le général de Lamoricière avait réuni un corps d’observation pour seconder au besoin les mouvements de l’armée marocaine. Bientôt la daïra d’Abdelkader se trouva resserrée de tous les côtés, et une solution parut imminente. Le duc d’Aumale partit d’Alger le 18 décembre pour se rapprocher du théâtre de ces événements importants.
Le 9 décembre, l’empereur fit connaître à l’émir sa réponse. Il exigeait la venue de la daïra à Fez, sa dispersion dans les tribus, l’incorporation des troupes régulières dans son armée : à ce prix, il promettait des terres et la paix aux Algériens qui reconnaîtraient son autorité. Abdelkader ne discuta même pas ces conditions et renvoya les agents de l’empereur sans répondre. Il dirigea son infanterie sur le camp marocain le plus rapproché. Son projet était de tenter une attaque-surprise. Néanmoins, sa ruse fut éventée. Lorsqu’on pénétra dans un premier camp, on trouva les tentes vides. Sans s’arrêter, on attaqua avec furie le second camp où l’ennemi s’était réfugié et on lui fit essuyer des pertes énormes. Mais bientôt, entouré par des Marocains dix fois supérieurs en nombre, Abdelkader fut obligé de reculer en laissant entre leurs mains, des morts et des prisonniers. Cependant, faisant un appel suprême au courage et au dévouement de ses plus braves cavaliers, il parvint à contenir les poursuivants et couvrit sa retraite jusqu’au lieu dit Agueddin, situé entre la partie inférieure de la Moulouïa, la mer et la montagne de Kebdana, presque en face des îles Zaffarines…
Les camps marocains, après avoir sollicité et obtenu des munitions des autorités françaises, se disposèrent à attaquer de nouveau le 20 et le 21 décembre. Abdelkader était dans la plus grande confusion. Il avait commencé à traverser la Moulouïa pour se rapprocher de l’Algérie. Les troupes et les tribus marocaines se précipitèrent à sa poursuite. A la tête de ses fantassins et de ses cavaliers réguliers, Abdelkader essaya de contrer les assaillants, au prix de la vie de plus de la moitié de ses soldats. Il réussit à protéger le passage de la rivière et à ramener tout son monde au delà des limites du Maroc. Il forma alors le projet de livrer sa daïra aux Français et tenter de sa personne, la route du désert avec ses plus dévoués partisans ; c’était la seule voie que les troupes marocaines avaient laissé libre.
Cherchant son chemin dans l’obscurité, il interrogea sans soupçonner la méprise, un cavalier placé par les Français pour surveiller ses mouvements et demanda des renseignements pour gagner le pays des Beni Snassen, en traversant le col de Kerbous. Ces indications furent transmises aussitôt au général de Lamoricière qui prit des dispositions pour fermer cette voie.
Un officier indigène envoyé en reconnaissance distingua au milieu de l’obscurité de la nuit et de la pluie, l’émir Abdelkader et ses partisans qui tentaient de franchir le col. Abdelkader demanda alors à parlementer. La nuit et la pluie ne permettant pas d’écrire, l’émir apposa son cachet sur un papier blanc qu’il remit à l’officier et le chargea d’être son organe. Il offrit de se mettre entre les mains des Français, sous l’engagement d’être conduit avec sa famille à Saint Jean d’Acre ou à Alexandrie. Le général de Lamoricière ne pouvait non plus écrire. Il donna son sabre et le cachet du bureau arabe de Tlemcen comme gage de sa parole. En retour, après quelques incertitudes, Abdelkader écrivit au général, sollicitant une parole française pour se livrer sans défiance et se soumettre à sa destinée. L’engagement fut pris immédiatement. C’est ainsi que le 23 décembre, après une lutte acharnée de quinze ans, ce redoutable adversaire des Français, se rendit près du marabout de Sidi-Brahim, théâtre de l’un de ses plus importants succès contre l’armée française. Ensuite, il fut introduit devant le duc d’Aumale ; après s’être assis sur un signe du prince, il prononça les paroles suivantes : » J’aurais voulu faire plus tôt ce que je fais aujourd’hui. J’ai attendu l’heure marquée par Dieu. Le général m’a donné une parole sur laquelle je me suis fié. Je ne crains pas qu’elle soit violée par le fils d’un grand roi comme celui des Français. J’ai demandé son aman (protection) pour ma famille et pour moi. » Le duc d’Aumale confirma la promesse du général de Lamoricière et congédia l’émir dont on admira dans cette entrevue, l’attitude noble, calme et résignée.
Zaatcha dans les Zibans (à 35 km au Sud-Est de Biskra): Par Charles-André Julien.
…. L’été fini, le général Herbillon, qui commandait la province de Constantine, entreprit, le 7 octobre, le siège de l’oasis avec 4000 hommes. Un double assaut échoua, le 20. Il lui fallut alors procéder méthodiquement à un encerclement, du reste imparfait. grâce à des renforts, il put lancer trois colonnes à l’attaque, le 28 novembre. Pendant plusieurs heures, on dut enlever maison par maison, palmier après palmier. Le combat fut beaucoup plus meurtrier que ne l’avait été, en 1837, celui de Constantine. Les assaillants massacrèrent tous les habitants. Herbillon fit trancher et exposer sur les remparts les têtes de Bouziane, de son fils et d’un des chefs de la résistance. Les Français eurent 1500 hommes tués ou blessés, « sans compter les victimes du choléra »…D’autres scènes horribles s’ensuivirent qu’il serait inconvenant de décrire ici...
Martin Argote marche alors sur Tlemcen, où il joint ses forces à celles du cheikh Bou-Rekkaba. Barberousse s’y était enfermé , attendant avec impatience le détachement que Martin Argote venait de détruire. Bientôt menacé au dedans, pressé au dehors, le corsaire sentit qu’il n’y avait plus pour lui de chances de salut que dans la fuite. Il ramassa donc ses richesses et sortit secrètement par une poterne, emmenant avec lui tous ses Turcs et quelques Arabes. Mais le colonel Argote, informé de son départ, s’attache à ses traces et le poursuit pendant trente lieues. Barberousse a recours a une dernière ruse. Il répand sur son chemin de l’or, de l’argent monnayé, de la vaisselle et tous les objets précieux qu’il emportait avec lui : peut-être les Espagnols s’arrêteraient pour les ramasser. Mais il n’en fut rien. ..
Là avec le petit nombre d’hommes qui lui restent fidèles, Barberousse oppose encore une résistance héroïque. Enfin il succombe. Sa tête est aussitôt séparée de son corps ; elle fut portée à Oran au bout d’une pique, et promenée dit-on dans tout l’Espagne comme un glorieux trophée.
Ainsi périt le fondateur de la régence d’Alger.
Bou-Hammou rétabli sur le trône s’engagea à payer à l’Espagne un tribut annuel de 12 000 ducats d’or, douze chevaux et six gerfauts femelles ; redevance qu’il s’acquitta fidèlement pendant toute sa vie.
Mais son frère et successeur Abdallah rompit le traité, à l’instigation de quelques marabouts et surtout de Khaïr-Eddine, et refusa de rien payer. …
Charles Quint sentit qu’il ne pouvait laisser la domination espagnole sous le coup d’un pareil échec, et chargea le comte d’Alcaudèle de le venger. Ce général quitta Oran le 27 janvier 1543, à la tête de neuf mille hommes d’infanterie et de quatre cents chevaux. Le lendemain l’armée entra dans Tlemcen qu’elle saccagea d’un bout à l’autre, dit Marmol, tuant ou faisant prisonnier tout ce qu’elle rencontra
Ceux qui combattent à l’intérieur et ceux qui représentent l’Algérie en dehors, les « militaires » et les « politiques », les uns et les autres, souvent venus des anciennes formations politiques et en gardant la marque, les dirigeants qui étaient dans la lutte avant l’insurrection et ceux qui n’y sont entrés qu’après, ceux qui sont issus des milieux paysans et ceux qui appartiennent à la petite bourgeoisie n’ont pas nécessairement la même approche ni les mêmes analyses des situations. Les sacrifices demandés et consentis, la cruauté des combats, l’ampleur des difficultés à affronter et aussi les inimitiés personnelles et les susceptibilités régionalistes (« arabes » et « kabyles » entre autres) exacerbent parfois des oppositions d’ordre politique plus ou moins couvertes par la nécessité de maintenir l’unité de combat. Des alliances se nouent et se dénouent, des « complots » auxquels ne sont pas toujours étrangers les services spéciaux de l’Etat-hôte (notamment égyptiens dirigés par Fath el-Dib) se trament et mûrissent. C’est ainsi que naît le plus connu d’entre eux, le « complot des colonels » au centre duquel se trouvent les colonels Mohammed Amouri, Ahmed Nouaoura et Laskri Amara, anciens commandants de wilaya.
Le colonel Amouri est un homme du 1er novembre 1954. Originaire des Aurès, ancien chef de la wilaya I, il manifeste son désaccord avec l’orientation politique définie par le Congrès de la Soummam. Partisan d’une extension de la lutte (il souhaite l’élargissement du conflit à l’ensemble du Maghreb), il s’insurge contre la présence au sein du F.L.N. de « certains éléments » qu’il qualifie « d’arrivistes », visant plus particulièrement les « civils-politiques ».
Son opposition au C.C.E. puis au G.P.R.A. provoquera son exil en Egypte. Un autre opposant, Mostefa Lakhal, affiche les mêmes sentiments. Engagé très tôt dans la lutte en wilaya 4, il sera lui aussi envoyé en Egypte où il effectuera un stage dans une académie militaire.
En wilaya I, les mécontents sont nombreux. La proximité du redoutable obstacle qu’est devenue la ligne Morice alimente d’âpres polémiques. Amouri s’entend avec le colonel Nouaoura, qui lui succède un temps à la tête de son ancienne responsabilité. Puis c’est le chef de l’importante « base de l’Est » (la région de Souk-Ahras) le commandant Aouechria, qui rejoint le complot mis en place contre le G.P.R.A.
En avril 1958, le G.P.R.A. décide la création de deux états-majors. L’un celui de l’Est, siégera à Ghardimaou (Tunisie) et sera placé sous la responsabilité de Mohammedi Saïd ; celui de l’Ouest s’installera à Oujda (Maroc) et sera confié au colonel Houari Boumediène. Placer sous un même commandement les unités stationnées sur les frontières marocaines et tunisiennes, tel est l’objectif du ministre des Armées. Il n’ignore plus l’effervescence qui règne, notamment à l’est, et il espère y mettre un terme. Le 1er novembre 1958, date anniversaire du déclenchement de la rébellion, Krim ordonne une attaque massive sur la ligne fortifiée. C’est l’échec. Les critiques redoublent.
A la mi-novembre, la gendarmerie tunisienne encercle une maison à un étage, P.C. de la zone de Souk-Ahras, dans un quartier périphérique du Kef en Tunisie. Amouri et ses amis sont réunis. Ils mettent au point les modalités de la prise du pouvoir. Mais ce sont eux qui sont arrêtés…
Trois mois d’interrogatoires, trois mois d’instruction et le dossier est transmis à un tribunal dont la composition est décidée par le G.P.R.A., réuni exceptionnellement. Le président en sera Houari Boumediène, futur chef de l’Etat algérien…
Les juges rendront leur verdict : 4 condamnations à mort : les colonels Mohamed Amouri, et Ahmed Nouaoura et les commandants Aouechria et Mostefa Lakhal. Ils seront fusillés le 16 mars 1959 près de Tunis. De nombreux autres officiers resteront en prison jusqu’en 1960.
La course organisée en France en 1400, a été à ses débuts instituée dans le but de protéger la flotte de guerre et, après la découverte de de l’América, les corsaires européens s’attaquaient aux navires chargés d’or, provenant de ce nouveau monde. L’appât de l’or a dévié le but recherché.
– Je ne suis pas historien. Je ne puis te contredire.
– C’est la pure vérité. Et les corsaires étaient dès cette date obligés de se munir, avant de s’adonner à la course, de ce qu’on appelle « la lettre de marque ». Est-tu satisfait, Mustapha ? Crois-tu que nous soyons les seuls à mettre le monde marin en coupe réglée ? Tu es utopiste, mon ami, et ta place sur la terre serait plus normale dans dix siècles. Tu es trop avancé avec tes sentiments et ton sentimentalisme. Mais comme il y a parfois des sujets qui s’échappent de leur orbite pour aller vers des horizons mirifiques où ils se perdent désaxés, tu es de ceux-là. Lorsque les hommes, dans des centaines d’années, se considéreront comme des frères et seront persuadés d’appartenir qu’à une seule et vaste famille, ils pourront, la vie matérielle plus aisée aidant, abandonner leurs noirs desseins ou leurs catastrophiques projets.
En attendant l’arrivée problématique de ce temps chimérique, ayant conscience que nous sommes au temps de la piraterie, au temps où l’homme a besoin de garnir son ventre, en cherchant, là où ils se trouvent, les produits qui lui manquent chez lui.
(El Eudj, captif des barbaresques, Arras, Chukri KHODJA 1929)
Il est probable qu’en haut lieu on avait espéré des opérations plus brèves : Challe y fait allusion dans une réponse à une lettre pressante de Michel Debré, reçue à la fin d’avril. Il se sent tenu par le « planning » qu’il s’est lui-même fixé. Avant le mauvais temps, il lui faut s’attaquer au moins aux deux forts bastions que constituent les wilayas 2 et 3. Une brève opération « Etincelle » jetée à l’improviste du 5 au 12 juillet sur le Hodna, vise à y intercepter les nombreux éléments de l’A.L.N. détectés à ce moment, et à couper les liaisons entre Kabylie et Aurès. La promptitude de la manoeuvre est certes à elle seule un succès, de même que l’étendue du bouclage, qui ne fait pas moins de 250 kilomètres, et Challe prétend avoir détruit la moitié des effectifs présents.
Le fait est, pourtant que ces djebels sont presque aussitôt réoccupés, une fois les troupes parties. Mais le gros coup est réservé à la Kabylie. Challe a voulu pour l’opération « Jumelles » un déclenchement spectaculaire pour bien marquer « que les affaires sérieuses vont commencer ». Le 23 juillet au matin, le 6e R.P.I.Ma, saute sur l’Akfadou, l’ancien P.C. d’Amirouche. Des fusilliers marins de la D.B.F.M. débarquent au cap Sigli ; des colonnes de camions montés de partout amènent sur place les « réserves générales » portées à présent à 16 unités, quelque 15 000 hommes, qui, joints aux 25 000 des unités du secteur, investissent le massif kabyle. Challe installe son P.C. « Artois » sur la crête du Djurdjura, au col de Chellata, à 1700 mètres d’altitude, avec un vaste état-major. Une véritable « forêt d’antennes » permet d’établir des liaisons instantanées avec les unités qui ont été lancées dans une fouille généralisée, « peignant » et « ratissant » , à la recherche des katibas, fonds d’oueds, pentes, pitons, au milieu d’une végétation parfois impénétrable, des dénivelés fréquents de 2 à 300 mètres. A la moindre alerte radio, le P.C. peut envoyer les renforts de la chasse et de 3 commandos-air, associés aux détachements d’hélicoptères. Dirigeant les troupes de deux zones associées dans l’opération, le général Faure s’est installé dans l’Akfadou et, de l’autre côté de la Soummam, le général Delpierre a fait de même à Tinebdar. Ce sont en effet les « zones-refuges » de l’Est et du Sud-Est qui ont été visées, car on espérait y détecter et annihiler les plus grosses unités adverses.
Mais la déconvenue est sévère : le 1er bilan, dressé après six jours, enregistrent une cinquantaine d’accrochages mineurs, 182 maquisards tués ou capturés, 140 armes saisies, moins que pour pour bien des semaines « normales »… Il faut se rendre à l’évidence : l’adversaire prévoyant de longue date l’opération, s’est totalement dilué en petits groupes, dissimulés dans des caches en pleine nature ou à proximité des villages qui les ravitaillent, ayant souvent mis leurs principales armes dans d’autres abris. Les fouilles ne donnent que peu de résultats, faute de renseignements. Après un autre coup lancé dans l’ouest de la Petite Kabylie (opération « Suzanne » le 11 août), la médiocrité des résultats atteints incite Challe à généraliser le « travail en surface ». A installer les unités au plus près des villages pour y obtenir les renseignements nécessaires, empêcher le ravitaillement d’en sortir, surprendre les maquisards contraints de partir à le recherche de nourriture. Ainsi commencent des semaines tragiques où dans des villages qui n’avaient plus vu de soldats français depuis longtemps, l’occupation va signifier interrogatoires, brutalités, et tortures en masse, blocus alimentaire, pressions de toutes sortes.
Sur le plan militaire, le général Challe a reçu l’aval de Paris, au début de février 1959. Son dispositif mis en place, il commence son offensive par l’Oranie. Elle se développera d’ouest en est, de la frontière marocaine à la frontière tunisienne, et chaque « bastion » sera « traité » à tour de rôle. Aux deux ailes de l’Algérie les deux barrages installés ont été renforcés. Ravitaillement, hommes et munitions à destination des wilayas passent avec de plus en plus de difficultés et en très faibles quantités après de durs accrochages. Le danger pour la résistance intérieure est grand.
Cinq régiments interviennent en Oranie aux côtés des unités locales, sous le commandement du général Gracieux, dans les secteurs de Saïda, de Frenda, la partie oranaise du Dahra et de l’Ouarsenis : c’est l’opération « Couronne ». Alors qu’elle avait été lancée avec une relative discrétion, deux mois plus tard, La semaine en Algérie, en dresse le bilan avec un grand luxe de détails : une quinzaine de katibas, deux commandos et des sections totalement ou partiellement détruites, 2421 maquisards tués ou capturés (soit la moitié des effectifs des zones « traitées ») auxquels s’ajoutent 1088 membres de l’O.P.A., 1133 armes saisies, dont 400 armes de guerre. L’état-major considère ainsi que la wilaya a perdu 50% de sa puissance. L’armée a repris pied dans des secteurs montagneux où elle ne venait plus depuis longtemps.
Il semble bien que l’A.L.N, a été effectivement surprise par l’offensive « Couronne ». Ses unités restées groupées, ont été durement frappées. Durant les mêmes mois d’autres opérations dans le Dahra algérois, le Hodna, le Sud-Algérois, ont été marquées par des succès de l’armée française. Les 26-28 mars 1959, dans la région de Bou Saada, deux katibas de la wilaya 6 sont détruites et deux colonels de l’A.L.N. sont tués en même temps : Amirouche de la wilaya 3 qui se rendait en Tunisie, et Si Haouès de la wilaya 6, qui tombe avec une partie de son état-major. La presse commence alors à parler du « plan Challe », y compris la presse étrangère.
Trois jours plus tard, avec des forces plus importantes encore, Challe a déclenché l’opération « Courroie » contre la wilaya 4, dans le Dahra et surtout l’Ouarsenis algérois et les djebels de la « couronne » d’Alger (Atlas blidéen, Titteri). Mais déjà la surprise ne joue plus autant. Quand le 2² R.P.I.Ma sort d’Orléanville au matin du 18, roulant vers l’Ouarsenis, de grandes inscriptions couvrent la route : » Soldats français, attention, mines ! Des centaines de camions ont sauté ! Réfléchissez… » Les jours suivants, des harcèlements de diversion sont déclenchés dans la plaine du Chélif. Pendant deux mois, la bataille est très dure pour l’A.L.N. : de violents affrontements se produisent près de Molière ou de Bou Caïd, au coeur de l’Ouarsenis, les 4,20, 27-28 avril, 1, 12, 19-20 mai, le 28 avril dans le Cherchellois, les 25-28 avril, 17 mai, 5-6 juin dans l’Atlas, les 5-6, 20-22 mai, 30 mai-2 juin dans le Titteri. Les katibas des mintakas 3,2 et 1 essuient des pertes plus ou moins sensibles. Mais l’opération doit être « démontée », le 19 juin. Contrairement à ce qui s’était fait après « Couronne », aucun bilan détaillé n’en est publié, preuve de son caractère très incomplet. La katiba Zoubiria, dirigée par Lakhdar Bourougaa, a pu résister pied à pied dans le Mongorno (Titteri). La katiba de Tablat échappe le 18 mai à l’encerclement en infligeant des pertes exceptionnellement lourdes (31 tués) aux unités de bouclage. Pendant toute la durée de l’opération, l’A.L.N n’a cessé de harceler postes, centres, véhicules et patrouilles, particulièrement dans l’Orléansvillois (16 harcèlements dans la seule semaine du 11 au 17 mai, 26 harcèlements du 1 au 28 juin)…
…Vers la fin de 1841, un marabout de la tribu des Beni-Mohammed, qui occupe le cap de Fer à l’extrémité de la chaîne de l’Edough, s’imagina que la Providence l’avait choisi pour être le libérateur de sa patrie. Il se mit donc à parcourir toutes les tribus de l’Edough et à y prêcher la guerre sainte. De là, il pénétra dans les montagnes du Zerdêza qui s’élèvent de l’autre côté du lac, dans l’espace compris entre Constantine, Guelma, Bône, Philippeville et El-Harrouch.
Quoique les populations de ces montagnes ne soient pas plus belliqueuses que ne le sont en général les tribus de la province de Constantine, cependant Si-Zerdoud parvint à trouver des auditeurs qui crurent en lui et prirent les armes.
Deux actes d’hostilité préludèrent à cette petite croisade : un officier envoyé avec une faible escorte sur le marché des Beni-Mohammed près du cap de Fer y fut assassiné de la main même de Zerdoud. Peu de temps après le camp d’El-Harrouch fut attaqué par les tribus du Zerdêza, à la tête desquelles figurait encore Zerdoud.
…Informé de ces événements, le général Baraguay d’Hilliers prit ses mesures pour mettre à la raison ce fanatique et ses adhérents.
Trois colonnes partirent à la fois de Constantine, de Philippeville et de Bône et se dirigèrent vers le massif isolé de l’Edough. La vigueur et l’ensemble de ces opérations combinées ne tardèrent pas à amener la soumission du Zerdêza.
Cependant, Si-Zerdoud retiré dans le Djebel-Edough, y continuait ses prédications et y entretenait la résistance. Mais elle ne fut pas de longue durée. Les trois colonnes pénétrèrent dans la montagne par la plaine du lac, c’est-à-dire par le sud, et après avoir traversé la chaîne à la hauteur du port de Takkouch, finirent par acculer les insurgés dans la petite pointe de terre occupée par le marabout de Sidi-Akkêcha.
Les montagnards demandèrent l’aman, qui leur fut accordé ; mais pendant les pourparlers de soumission un coup de fusil parti de la brousse vint blesser à côté du général un de ses mkahli ou hommes d’armes indigènes. Aussitôt la trêve fut rompue ; le général français indigné d’une aussi odieuse infraction aux lois de la guerre, donna l’ordre de tout massacrer, et cet ordre fut exécuté sur le champ. Quelques arabes placés dans l’impossibilité de fuir autrement, tentèrent un moyen désespéré de salut en se jetant à la mer : ils se noyèrent ; les autres, au nombre d’une centaine, furent impitoyablement égorgés.
…Cependant, l’auteur de l’insurrection, le marabout Zerdoud n’était point au nombre des victimes ; on sut bientôt qu’au moment où les Arabes s’étaient décidés à demander l’aman, il s’était jeté dans les bois avec quelques partisans exaltés, et avait ainsi échappé au massacre.
Quelques jours après un indigène se présentait à la porte du commandant supérieur de Philippeville, et demandait à lui parler en secret. C’était le secrétaire de Zerdoud ; il venait offrir de livrer son maître.
Une petite colonne partit aussitôt sous la conduite de ce guide et força la marche en suivant ses traces. Elle pénétra dans les montagnes par les forêts qui en couvrent les versants méridionaux au sud de Sidi-Akkêcha. On arriva ainsi au-dessus d’un ravin profond recouvert d’épaisses broussailles. Alors, le guide, élevant la main dans la direction où la gorge paraissait se rétrécir et s’approfondir le plus, dit à voix basse au chef de la colonne : c’est là.
A l’instant les soldats se mirent en devoir de cerner le point indiqué ; mais avant que ce mouvement ait pu s’exécuter d’une manière complète le bruit de la marche des troupes dans le fourré s’était fait entendre jusqu’au fond de ces retraites silencieuses. Tout à coup, le massif de broussailles qui cachait le fond du ravin s’agita d’une manière étrange. Un homme en sortit. — C’est lui, dit tout bas le guide.
Aussitôt, le bruit d’une décharge de mousqueterie fit retentir les échos de la montagne.
Zerdoud tomba pour ne plus se relever.
Sa tête et son bras furent séparés de son corps, pour être exposés aux yeux de tous les Arabes, comme le seul acte de décès auquel ils pussent ajouter foi. C’était le moyen d’ôter tout prétexte à des contes absurdes et de prévenir de nouveaux malheurs.
Ce roman participe au concours des plumes francophones 2017 (concourskdp) sur le site Amazon.fr. Si les visiteurs de ma page peuvent le lire et dire leur avis, l’auteur leur serait reconnaissant.
Dans un nouveau livre, Nos ancêtres les Arabes, ce que notre langue leur doit, Jean Pruvost, professeur de lexicologie et d’histoire de la langue française, dissèque quatre cents termes. Un ouvrage instructif.
L’Histoire et la langue se mêlent extraordinairement. C’est ce qu’illustre à merveille le nouveau livre de Jean Pruvost, notre fameux professeur de lexicologie et d’histoire de la langue française à l’université de Cergy-Pontoise. Le titre constitue un vaste programme: Nos ancêtres les Arabes, ce que notre langue leur doit (Lattès). L’auteur du Dico des dictionnaires présente et retrace l’histoire des emprunts de la langue française à l’arabe dans différents champs lexicaux.
Mais, tout d’abord, rendons à César… Un travail similaire avait déjà été effectué avec brio il y a dix ans par le journaliste et romancier Salah Guemriche avec son Dictionnaire des mots français d’origine arabe (et turque et persane), publié aux éditions du Seuil. Jean Pruvost lui rend d’ailleurs hommage en mettant l’une de ses phrases en exergue: «Il y a deux fois plus de mots français d’origine arabe que de mots français d’origine gauloise! Peut-être même trois fois plus…» L’auteur cite d’autres «éveilleurs» dont le remarquable ouvrage de son confrère et ami Alain Rey: Voyage des mots de l’Orient arabe et persan vers la langue française (Trédaniel)
L’arabe, en troisième position parmi les langues à laquelle le français a le plus emprunté
Le professeur de lexicologie, à travers le chemin souvent surprenant de plus de quatre cents mots, ne dit pas autre chose. Qu’on en juge: «Dès lors, on comprend aisément que la langue arabe vienne en troisième position parmi les langues à laquelle le français a le plus emprunté, tout juste après la langue anglaise et langue italienne», écrit-il dans un premier chapitre érudit qui fait appel à l’histoire des civilisations. Et d’expliquer: cette langue a été véhiculée par les croisades, les conquêtes arabes, les échanges commerciaux en Méditerranée, et plus près de nous par l’exil des pieds noirs ou la musique.
Il est impossible de citer les quatre cents mots qu’il recense, dissèque et nous explique (l’index est d’une richesse hors normes). Jean Pruvost dit tout simplement: «De la tasse de café à l’orangeade, de la jupe de coton au gilet de satin, de l’algèbre à la chimie ou aux amalgames, à propos de la faune, de la flore, des arts, des parfums, des bijoux, de l’habitat, des transports ou de la guerre, nous employons chaque jour des mots empruntés à l’arabe.» On le voit, il n’y a pas que toubib, baraka, sarouel, taboulé, nabab, kebab, babouche ou moucharabieh. On découvre les mots truchement, abricot, mohair, chiffre, épinard, civette, amiral, algorithme, arsenal…
En six chapitres (de «Nos ancêtres… mais encore» à «Une langue en mouvement de Saint-Denis et du RAP», en passant par «Dans nos premiers dictionnaires», «Les chemins des mots arabes» et «Voyage thématique en français via les mots d’origine arabe»…) il nous convie à un formidable voyage au cœur de l’Histoire et de la langue. Ce livre est d’utilité publique.
Nos ancêtres les Arabes, ce que notre langue leur doit, de Jean Pruvost (Lattès). 318 pages, 19
Un massif de montagnes que les marins désignent par le nom de cap Ferrat, sépare la baie d’Arzew de la baie d’Oran. C’est un amas de roches escarpées, d’éboulements naturels, de falaises déchiquetées, dont les nuances blafardes répandent une teinte générale de tristesse sur tout ce qui avoisine la mer. Mais le massif du cap Ferrat ne pénètre pas fort avant dans l’intérieur : car la route par terre d’Arzew à Oran se fait en plaine.
Arzew, avons-nous dit, a un bon mouillage et manque d’eau ; Oran a la qualité et le défaut opposés :elle est située dans la partie la plus reculée de la baie qui porte son nom , sur les deux rives d’un ruisseau qui lui donne en tout temps une eau limpide et abondante. Mais les navires ne peuvent mouiller devant la ville que pendant l’été ; après l’équinoxe d’automne, ils doivent se retirer, soit à Mers-el-Kébir, soit à Arzew. Même pendant la belle saison, le débarcadère cesse d’être praticable, dès que la brise du nord-est commence à fraîchir.
La prise d’Oran par les Espagnols suivit de quatre ans celle de Mers-el-Kébir ; elle fut provoquée par le double ressentiment d’une injure et d’un échec. Cela eut lieu en 1507, tandis que la garnison espagnole occupait Mers-el-Kébir. Les Maures firent une descente sur les côtes de la péninsule, surprirent une petite ville et massacrèrent tous les habitants. Le gouverneur de Mers-el-Kébir, Fernand de Cordoue, résolut aussitôt de venger cette insulte, mais il y mit peut-être trop d’empressement. Il sortit le 15 juillet, à la tête d’une colonne de trois mille hommes. Les Arabes ne paraissant pas, il crut qu’ils voulaient éviter le combat, et continua à avancer. Bientôt, il fut enveloppé de toutes parts et son corps d’armée taillé en pièces.
La nouvelle de ce désastre se répandit dans toute l’Espagne ; mais personne n’en ressentit plus de douleur que le cardinal Ximénès. Il pressa avec insistance le roi Ferdinand de consentir à l’expédition d’Oran.
Il ne fallut pas moins de deux ans à l’illustre vieillard pour déjouer toutes ces intrigues et sarcasmes qui suivirent sa proposition. Enfin la flotte réunie à Carthagène mit les voiles le 16 mai 1509. Ximénès, à la tête de quinze mille hommes s’était réservé la haute direction de l’entreprise ; le comte Pierre de Navarre devait commander les troupes.
Sous les murs de Mers-el-Kébir, Ximénès parut alors devant les troupes entouré d’une multitude de religieux en armes, précédés de la croix. Il voulait marcher à la tête de l’armée et la conduire au combat ; il n’y renonça qu’à regret, vaincu par les supplications des soldats et des chefs…
Le comte de Navarre fit aussitôt sonner les clairons ; les soldats s’élancèrent en criant Saint-Jacques, et gravirent au pas de course, les flancs abruptes de la montagne. Les Arabes font pleuvoir sur leurs ennemis une grêle de flèches et roulent des quartiers de rochers.
Enfin, les chrétiens parviennent à s’emparer d’une source d’où l’on aperçoit la ville ; Navarre y fit amener quatre coulevrines qui répandent dans les masses arabes la mort et la consternation. Profitant du premier instant de stupeur, il s’élance sur l’ennemi, le poursuit, le culbute, et reste maître du champ de bataille.
Ce fut Sosa, commandant des gardes du cardinal, qui le premier atteignit le sommet des murailles dominant la ville ; il courut à la citadelle, et en brandissant l’étendart de Cisneros, il cria de toutes ses forces ; Saint-Jacques et Ximénès ! Toute l’armée répéta ce cri de victoire.
La ville fut livrée au pillage et la population impitoyablement massacrée. On porte à quatre mille Maures qui périrent dans cette fatale journée. Huit mille furent prisonniers. Les Espagnols ramassèrent un butin immense.
L’extrémité occidentale de la baie d’Oran se termine par une pointe de rochers qui s’avance comme un môle vers l’est, et protège contre la mer et les vents un espace appelé par les indigènes, Mers-el-Kébir, le grand port. C’est le meilleur mouillage de l’Algérie. La pointe du rocher est couronné par un fort, éloigné d’Oran de six kilomètres, et rattaché à cette ville par une magnifique route, ouvrage des premières années de la conquête française.
La baie de Mers-el-Kebir est creusée en forme d’entonnoir dans les hautes terres qui la dominent. La paroi méridionale va rejoindre la pointe rocheuse de Santa-Cruz ; la paroi occidentale se termine à la mer par des escarpements à pic…
Quoi qu’il en soit, l’Espagne fut bien inspirée lorsque dans les premières années du seizième siècle, cherchant à entamer la côte africaine, elle arrêta ses vues sur Mers-el-Kébir.
Les Maures venaient d’être expulsés de la péninsule , la plupart avaient demandé un asile à ces rivages habités par leurs coreligionnaires, et avaient apporté leur haine profonde qui les animaient contre leurs vainqueurs.
Un homme d’un génie vaste gouvernait alors l’Espagne ; c’était le cardinal Francesco Ximenès de Cisneros, archevêque de Tolède, premier ministre du roi Ferdinand. Ximenès ne vit d’autres moyens de mettre un terme au brigandage des pirates que faire main basse sur leurs repaires.
Une pensée de croisade de conversion des infidèles vint se joindre à ses vues politiques. Ximenès se souvint que le premier rêve de sa jeunesse avait été de parcourir l’Afrique en missionnaire. C’était sans doute une révélation des vues de la Providence, qui réservait à ses vieux jours de la parcourir en conquérant. Dès lors, cette grande entreprise devint le terme de toutes ses pensées.
Ximenès demeura convaincu que Mers-el-Kébir était pour l’Espagne la véritable porte de l’Afrique ; il s’arrêta donc à l’occupation de ce port, et se hâta de présenter son projet au roi….
Le trois septembre 1505 la flotte espagnole appareilla de Malaga ; le 9 elle était en vue de Mers-el-Kébir. Aussitôt des feux allumés sur les hauteurs signalèrent l’approche des Espagnols ; toutes les cimes voisines du rivage se couvrirent de fantassins et de cavaliers. Les troupes débarquèrent sous une pluie de flèches et de boulets du fort. Leur premier soin fut de se retrancher ; le lendemain elles poussèrent une reconnaissance vers la place et enlevèrent une position qui les dominait : une batterie y fut établie. Pendant ce temps, la flotte attaquait par mer.
Cependant le fort ne se rendait pas et la position des Espagnols devenait critique ; placés sous le feu de la garnison, assaillis par des nuées d’Arabes , ils avaient encore à combattre les troupes que le roi de Tlemcen avait envoyées, mais la fortune vint à leur aide. Le gouverneur du fort qui avait été l’âme de la défense, fut atteint par un boulet qui le tua. Aussitôt le découragement s’empara des assiégés, et les amena à conclure un armistice de quelques jours, qui devait être suivi d’une capitulation définitive.
Enfin, le 23 octobre, les Espagnols prirent possession de Mers-el-Kébir, cinquante jours après leur départ de Malaga.
Quoique les dangers suscités par la rébellion de Firmus eussent dû éclairer Rome sur le péril de trop élever les grandes familles indigènes, elle ne tarda pas à commettre la même faute , et ce fut un frère de Firmus qui en fut l’objet. En récompense des services qu’il avait rendus pendant la première insurrection, en combattant son frère, Gildon avait été élevé aux plus hautes dignités militaires ; il recut même de Théodose le gouvernement de l’Afrique, qu’il administra pendant douze ans, avec une autorité presque absolue.
Lorsqu’à la mort de Théodose l’empire fut partagé entre ses deux fils, Gildon conçut le projet d’enlever l’Afrique au faible Honorius, et de la rattacher à l’empire d’Orient. Favorisé d’abord par les intrigues de la cour de Byzance, Gildon vit pâlir sa fortune devant Stilicon, lieutenant d’Honorius. Le sénat le déclara hors la loi, et lui opposa son propre frère à la tête d’une armée de vétérans gaulois et romains.
Gildon avait réuni soixante-dix mille Gétules et Ethiopiens : ils furent mis en fuite , et lui-même fut obligé de se donner la mort pour ne pas tomber vivant aux mains de ses ennemis. Après sa mort, le gouvernement de Rome, craignant que le troisième frère n’imitât désormais les deux premiers, le fit périr et déploya contre ses partisans des rigueurs implacables.
Gildon était maure et païen, mais protecteur zélé des Circoncellions et des Donatistes ; il représentait donc deux intérêts très puissants : celui de l’indépendance africaine et celui d’une secte religieuse fort active et fort étendue. Sa famille était chrétienne, et orthodoxe, sa femme, sa soeur et sa fille furent des saintes. Un seul chiffre démontrera l’appui que la rébellion pouvait trouver en Afrique. Au concile qui se tint à Carthage en 411 on compta deux cent soixante-dix-neuf évêques donatistes sur cinq cent soixante-seize membres. Cette secte appuyait toute les tentatives pour se séparer de l’Empire. Aussi tous les efforts du gouvernement, toutes les énergies des Pères de l’Eglise et de Saint Augustin surtout, évêque d’Hippone, s’appliquèrent à extirper cette hérésie qui menaçait à la fois la religion et l’Etat.(1)
(1) Saint Augustin comme on le sait, était né à Taghaste (actuellement Souk-Ahras), petite ville de la Numidie, en 354 ; il fut ordonné prêtre en 391, et appelé l’année d’après à l’évêché d’Hippone (actuellement Annaba), qu’il occupa jusqu’en 430. Ses travaux et sa vie sont trop connus pour qu’il soit nécessaire de les rappeler ici.
C’est à cette époque que les Algérois, alors dirigés par une sorte d’aristocratie marchande, font appel, pour se protéger des Espagnols, à des corsaires turcs qui s’étaient acquis une grande réputation pour avoir aidé des milliers de Musulmans d’Andalousie (ceux qu’on nomme les Morisques) à échapper à l’Inquisition et à gagner le Maghreb. Ce sont les quatre célèbres frères Barberousse, surnom donné collectivement à tous ceux qui combattent les Espagnols, et qui dérive du nom de l’un d’entre eux Baba AROUDJ (en turc le « Père Aroudj »). Lui-même, son frère Kheir Eddine et leurs successeurs vont, à partir de 1516, jeter les bases d’un Etat algérien.
Ils repoussent victorieusement deux expéditions espagnoles, s’emparent de Penon, libérant ainsi le port d’Alger, et étendent bientôt leur autorité à tout le Maghreb central. Théoriquement, ils reconnaissent l’autorité du Khalife de Constantinople. Dans la pratique, le pouvoir réel est, de plus en plus, entre les mains de la milice locale turque. Au cours des années, s’ouvrira de plus en plus à des éléments d’autres nationalités, notamment à des chrétiens convertis qu’en Europe, on appelle avec mépris des « renégats ».
Ils sont nombreux dans la corporation des capitaines corsaires. C’est souvent parmi eux que le Khalife de Constantinople choisit son représentant, le « berlerbey », ou « émir des émirs ». Ainsi se succèdent au pouvoir des pachas aux noms pittoresques : Hassan le Corse, Ramdan le Sarde, Hassan II le Vénitien, Djaffar le Hongrois. On ne leur tient pas beaucoup rigueur de n’avoir découvert que tardivement la « vrai foi » et le plus souvent, dans d’aventureuses circonstances.
En France, toute une littérature : récits, romans, pièces de théâtre, dont les auteurs sont parfois parmi les plus grands – a préparé, malgré elle et bien longtemps à l’avance, la justification de Sidi-Ferruch : 1830 ne pouvait être que la victoire de la civilisation sur la barbarie, de l’humanité et du droit, sur la piraterie et de l’esclavage.
Les historiens plus soucieux de peindre la vérité que d’embellir encore ces images d’Epinal, démontrent aujourd’hui que l’activité de la course en Méditerranée a, toute entière, été surestimée, de même que l’importance du travail servile dans les pays barbaresques, à la fin du XVIIIième siècle et au XIXiéme siècle.
Si le père Dan qui vécut à Alger, peut parler de 25 000 captifs en 1637 (à cette époque la course est encore prospère), il n’en reste que 800 en 1788 et 122 en 1830, lorsque les Français occupent la ville. Rien absolument de comparable donc, à ces immenses troupes d’esclaves qui, au même moment, peuplent les champs de coton en Louisiane. Les galériens qui rament dans les navires, sont les plus à plaindre parmi les captifs chrétiens ; ils sont moins malheureux cependant que les Barbaresques prisonniers du roi de France : on ne les marque pas au fer rouge comme à Toulon, et on les laisse libres de pratiquer leur religion.
Extrait du récit par les Capitaines du Génie ROZET et Carette (1833)
« La Métidja est une vaste plaine, comprise entre la masse de collines dont nous venons de parler et la chaîne du petit Atlas, qui s’étend parallèlement à la mer, sur une longueur de vingt lieux et dont la largeur varie entre quatre et cinq. Elle est traversée par plusieurs rivières (l’oued Jer, l’Arrach, l’Amise..etc) et un grand nombre de ruisseaux. Quelques portions de cette plaine sont marécageuses et inhabitables ; mais la plus grande partie de la surface du sol est très saine et susceptible d’une grande fertilité. Les meilleures contrées sont habitées par des tribus arabes qui vivent sous des tentes ou dans des cabanes faites avec des branches d’arbres et de roseaux. Ces tribus possèdent de nombreux troupeaux qui forment leur plus grande richesse.
On aperçoit ça et là quelques fermes construites en maçonnerie, qui appartenaient au dey et aux grands dignitaires de l’Etat. Autour de plusieurs, il y a de fort beaux vergers d’orangers, de plantations d’oliviers, et toujours une certaine étendue de terrain plus ou moins bien cultivée.
Bélida, située sur le bord de la Métidja, au pied du petit Atlas, à onze lieux S-O, d’Alger, est construite dans le même genre que cette dernière ville, seulement les maisons sont beaucoup moins hautes ; elles n’ont généralement qu’un rez-de-chaussée. Les minarets des quatre mosquées de Bélida apparaissant de loin au milieu d’une forêt d’orangers, formée par les vergers qui l’entourent et dont l’aspect présente le coup d’oeil le plus ravissant.
Les rues de cette ville sont plus larges et mieux percées que celles d’Alger ; mais la moitié sont encombrées de ruines ; résultat d’un tremblement de terre qui la détruisit en partie dans l’année 1825. A en juger par le nombre de maisons, Bélida pouvait renfermer à cette époque, 6000 à 7000 âmes. En 1830, il en avait à peine 4000, Maures, Turcs, très peu d’Arabes et 60 familles juives. Les habitants de Bélida cultivent leurs vergers et les premiers contre-forts de l’Atlas garnis de vignes et de champs superbes, au milieu desquels on remarque une grande quantité d’arbres…
… La plus grande partie du versant nord du petit Atlas, qui borde la Métidja, est couverte de broussailles et de mauvais bois, composés de chênes verts et de lièges.
Dans le voisinage de Bélida, les vallées et les vallons de ces montagnes sont cultivées jusqu’à près de 1000 mètres d’élévation au-dessus de la mer ; on y rencontre tous nos arbres fruitiers de l’Europe, et même des orangers et des agaves.
… La route de Bélida à Médéya, qui traverse la chaîne du petit Atlas, à trois lieux à l’ouest de la première ville, dans la tribu des Mouzaya, serpente au milieu d’un terrain aride ou couvert de mauvaises forêts. On aperçoit ça et là, dans le fond des vallées, quelques cabanes autour desquelles se trouve un petit espace cultivé…
… Médéya, située entre les deux Atlas, à 22 lieux S, S-O. d’Alger, est bâtie sur une petite colline escarpée à l’O, et penchant légèrement vers l’orient… Un bel aqueduc à deux rangs d’arcades, et sous lequel on passe en venant d’Alger, conduit dans la ville une eau excellente qui alimente de nombreuses fontaines…
… L’aspect de Médéya diffère complètement des villes de la côte ; les maisons sont couvertes en tuiles creuses, et ne sont point blanchies à la chaux. Les agaves, les orangers ont entièrement disparu ; la campagne est couverte de vignes et de champs cultivés, entourés de haies d’épines, et dans lesquels sont plantés des pommiers, des poiriers, des pruniers,etc. On se croirait être en France, dans les montagnes de la Bourgogne.
Un peu d’histoire extraite des mémoires du Capitaine M.P.Rozet, attaché au corps royal d’état-major, 1833 ALGER : Lorsque après avoir dépassé les terres déprimées du cap Matifou, et les ruines de l’antique Rusgonium, qui les couronnent, on arrive à la hauteur de l’embouchure de l’Harrach, qui occupe le fond de la baie, il ne reste que quatre kilomètres environ à franchir pour atteindre le port d’Alger. Il est difficile alors, si l’on se trouve pour la première fois, en face de cette ville célèbre, de résister à une sorte d’enivrement. Que ce soit pendant le jour ou pendant la nuit, les impressions sont différentes, l’effet est le même. La nuit, c’est la brise de terre chargée’ des parfums des fleurs qui vous révèle tout d’abord, le voisinage de cultures de luxe. En approchant du rivage, vous distinguez peu à peu, dans l’obscurité, une forme triangulaire blanchâtre qui se dresse devant le navire; et quand même la nuit serait assez sombre pour qu’il échappât à la vue, elle s’annoncerait à l’odorat, car il s’en élève aussi une senteur particulière, commune à toutes les cités de l’Orient, mélange indéfinissable de tous les parfums qu’elles affectionnent.. Pendant le jour, la forme triangulaire d’Alger, commence à se dessiner dès que l’on a doublé le cap Matifou. A la hauteur de l’Harrach, quelques détails paraissent déjà : à droite, au bord de la mer, la tour du Phare; à gauche, sur le sommet des hauteurs, le fort de l’Empereur. Au pied de cette forteresse qui fut le tombeau de la domination turque, les côteaux de Moustapha déploient leur magnifique amphithéâtre de villas et de vergers. Rien de plus gracieux, rien de plus animé que l’aspect de cette ville blanche à côté de ces vertes campagnes. Mais combien d’autres causes contribuent à faire naître le sentiment que l’on éprouve en voyant Alger pour la première fois. Au-dessus de cette ville blanche et de ces vertes campagnes flotte une des plus sombres histoires de l’histoire des hommes. Devant le fantôme du vieil Alger, comment ne pas songer à tous les gémissements chrétiens que ces murailles ont entendus? Comment oublier tous les malheureux que le bagne a vu périr au fond de ces cachots impies? …etc On sait qu’Alger occupe l’emplacement d’une cité romaine. Les géographes de l’antiquité rapportent qu’elle fut fondée par vingt compagnons d’Hercule, qu’ils l’appelèrent, en souvenir de son origine, Icosium, la ville des Vingt. … Plus tard, longtemps après que les monuments romains eussent croulé sous l’effort des barbares ou sous l’action de quelque autre puissance inconnue, la place où s’élevait l’ancienne Icosium, se couvrit d’habitations berbères, construites par la tribu des Beni-Mezranna…Elle devint vassale du royaume de Bougie, rôle modeste, dont elle se contenta pendant près de six cents ans.
Vers la fin du quinzième siècle, un événement mémorable qui frappait l’islamisme au coeur, servit accidentellement la fortune de Djézaïr. Ce fut l’expulsion des Maures d’Espagne. La petite cité kabyle tendit la main à ses coreligionnaires proscrits, qui lui apportèrent, en échange de l’hospitalité qu’ils recevaient, leur nombre, les débris de leur fortune, et de leur civilisation, et une profonde haine du nom chrétien…etc.
Les Alliés ont brûlé Hambourg dans la nuit du 25 au 26 juillet 1943. L’exécution de Dresde est beaucoup plus impitoyable encore. La première vague est suivie, à 0130 d’une seconde vague deux fois plus nombreuse, 529 Lancaster, puis, à midi, par 450 forteresses volantes de l’U.S.A.F. La cible des 650 000 engins incendiaires est le centre de la ville, exactement un triangle couvrant la totalité du quartier historique, rues étroites et vieilles maisons aux poutres de bois. La deuxième vague au-dessus de la ville brûlant d’un bout à l’autre avec une telle intensité que, raconte un navigateur, » j’ai pu rédiger mon compte rendu à la lueur qui emplissait la carlingue ».
Douze heures plus tard, les forteresses volantes s’acquittent de leur bombardement à l’aveuglette, dans une colonne de fumée de 5 000 m de haut. Ce bombardement de Dresde est l’un des épisodes les plus atroces d’une guerre qui a engendré tant d’atrocités. L’incendie prend la forme d’un cyclone de feu, s’attise lui-même par la dépression barométrique qu’il provoque – jusqu’au moment où le ciel plus miséricordieux que les hommes, déverse des trombes d’eau qui arrêtent les flammes. Aucune lutte ni fuite ne sont possibles. Ceux qui restent dans les abris sont asphyxiés. Ceux qui sortent des abris sont engloutis dans la mer de flammes.
L’asphalte des rues brûle. Sur l’Altmarkt, une foule se consume collectivement comme une forêt. Des centaines de personnes se noient dans l’Elbe pour échapper au supplice du feu. La Hauptbahnhof a été épargnée par le premier raid ; les milliers de réfugiés qu’elle abrite se croient hors de danger, mais le second raid survient sans avertissement et fait un indicible carnage. Les pompiers de Dresde ont été dévorés par le sinistre, et ceux des villes voisines accourant à la rescousse sont mitraillés par les Mustang escortant les Forteresses volantes du troisième raid. L’incendie se prolonge pendant quatre jours, dévore 20 km carrés, emplit la vallée de l’Elbe de débris calcinés. Le rassemblement des cadavres est hallucinant. On recueille 20 000 alliances dans des seaux. Cinq grands bûchers seront dressés sur l’Altmarkt, et l’on ensevelira à la pelle des tas de cendres de 2 m de haut. Le nombre des victimes, impossible à déterminer exactement, est de l’ordre de 135 000, faisant du bombardement de Dresde le plus meurtrier de la guerre, celui d’Hiroshima inclus.
Le colonel Amirouche, chef de la wilaya III pendant la guerre d’Algérie (1954-1962). Surnommé le loup de l’Akfadou. Mort au combat dans le djebel El-Mellah, dans la région de Bou Saada, le 29 mars 1959, en voulant se rendre à Tunis, avec le colonel Si El haouès. Ils ont été attaqués par les paras du colonel Ducasse, une noria d’hélicoptères et tout un bataillon blindé. 1500 soldats contre 40 moudjahidines. On ne sait pas exactement qui est-ce qui les a « vendus ». Un notable kabyle dira : » Amirouche est mort. C’était un grand chef. Mais on donnera à Amirouche un successeur qui pourra un jour, faire payer cher leur satisfaction à ceux qui oseraient la manifester. »
Quand l’alphabet berbère servait de code « Morse »
Longtemps après la découverte en 1822 , par Walter Oudney, un voyageur anglais, une circonstance fortuite fit connaître que les caractères berbères regardés comme insaisissables, surtout au voisinage de la côte, ne paraissaient pas aussi inusités qu’on le supposait. Dans les premiers temps de l’occupation française, un habitant d’Alger, nommé Othman-Khodja, entretenait une correspondance assez active avec le Bey de Constantine, Hadj-Ahmed Bey. Pour plus de sûreté ils employaient des signes particuliers, qu’ils croyaient à l’abri des trahisons et des indiscrétions. Quelques années plus tard Ali, fils d’Othman-Khodja, se trouvant à Paris, communiqua à M de Saulcy les lettres de Hadj-Ahmed. Après avoir tourné une de ces dépêches jusqu’à ce qu’elle lui semblât placée dans le sens le plus commode pour tracer les caractères, le savant orientaliste aperçut en vedette,tout au haut du papier, deux groupes de signes isolés : il pensa que ce devait être la formule sacramentelle « El-Hamdoullah » (gloire à Dieu), par laquelle tous les musulmans commencent leurs lettres. Ali consentit à se dessaisir des deux lettres en faveur de M de Saulcy, qui, le lendemain matin, lui en remettait la transcription complète. Quel ne fut l’étonnement du diplomate africain en voyant reproduit par une espèce de sortilège le texte arabe d’une correspondance qu’il avait cru indéchiffrable. Les choses en restèrent là jusqu’à ce que M de Saulcy entreprit l’étude du texte libyque du l’inscription jumelle de Thugga. C’est ainsi seulement qu’il remarqua une analogie frappante entre les caractères de l’alphabet libyque et ceux de la lettre du bey. C’étaient tout simplement des lettres berbères que les deux correspondants avaient employées. Mais par excès de prudence sans doute, ils avaient eu la précaution d’en intervertir les valeurs, et avaient poussé la prudence jusqu’à introduire dans l’alphabet convenu entre eux, les signes de la numération arabe …….. En 1845, un taleb de l’oasis du Touât, établi auprès du cheikh de Touggourt, fut envoyé en mission à Constantine. Le directeur des affaires africaines de la province constantinoise, M le capitaine Boissonnet, apprit que ce taleb avait fait dix-huit fois le voyage de Tombouctou et par conséquent, traversé dix-huit fois le pays des Touaregs qui paraissaient les seuls dépositaires du secret de l’écriture berbère. M Boissonnet obtint ainsi un premier spécimen de cet alphabet Targui … C’est ainsi que le troisième spécimen de l’alphabet berbère contemporain parvint du fond du désert, à la connaissance des savants d’Europe.
Source : Mémoires des Capitaines du Génie Rozet et Carette.