Comment l’Emir Abdelkader fut amené à se rendre au Duc d’Aumale.
Posté par khalfi1 le 19 juillet 2018
Les événements intérieurs de l’Algérie perdaient de leur importance depuis que le gouverneur général n’accordait plus une importance exclusive et exagérée aux faits de guerre. A l’extérieur, la position d’Abdelkader vis-à-vis de l’empereur du Maroc s’aggravait chaque jour. A la fin du mois de novembre 1847, trois camps marocains s’étaient dirigés de Fez contre la daïra de l’émir, fixée depuis plusieurs mois à Casbah-Zelouan (non loin de Melilla et de la mer) : deux des fils de l’empereur étaient à la tête de ces opérations. L’un de ces corps de troupes suivait la rive gauche de la Moulouïa : le second marchait le long de la côte du Rif ; enfin le troisième conduit par le caïd d’Oujda, tenait la rive droite de la Moulouïa. Ces colonnes châtiaient sur leur passage les tribus qui entretenaient des relations avec Abdelkader et déterminaient les populations à cesser tous rapports avec l’émir. Cette situation jeta l’alarme parmi les amis d’Abdelkader : on changea de campement et on s’établit à Zaïou, pays difficile, où avaient été formés des dépôts de grains. En même temps, pour relever le courage des siens, Abdelkader envoya un agent à Ghazaouat, pour faire des propositions de paix à la France. Son émissaire fut reconduit à la frontière sans réponse. Rebuté de ce côté, il dépêcha son khalifa Bou-Hamedi auprès de l’empereur pour offrir sa soumission. Son lieutenant fut retenu à Fez. A mesure que ces faits si graves se développaient, le général de Lamoricière avait réuni un corps d’observation pour seconder au besoin les mouvements de l’armée marocaine. Bientôt la daïra d’Abdelkader se trouva resserrée de tous les côtés, et une solution parut imminente. Le duc d’Aumale partit d’Alger le 18 décembre pour se rapprocher du théâtre de ces événements importants.
Le 9 décembre, l’empereur fit connaître à l’émir sa réponse. Il exigeait la venue de la daïra à Fez, sa dispersion dans les tribus, l’incorporation des troupes régulières dans son armée : à ce prix, il promettait des terres et la paix aux Algériens qui reconnaîtraient son autorité. Abdelkader ne discuta même pas ces conditions et renvoya les agents de l’empereur sans répondre. Il dirigea son infanterie sur le camp marocain le plus rapproché. Son projet était de tenter une attaque-surprise. Néanmoins, sa ruse fut éventée. Lorsqu’on pénétra dans un premier camp, on trouva les tentes vides. Sans s’arrêter, on attaqua avec furie le second camp où l’ennemi s’était réfugié et on lui fit essuyer des pertes énormes. Mais bientôt, entouré par des Marocains dix fois supérieurs en nombre, Abdelkader fut obligé de reculer en laissant entre leurs mains, des morts et des prisonniers. Cependant, faisant un appel suprême au courage et au dévouement de ses plus braves cavaliers, il parvint à contenir les poursuivants et couvrit sa retraite jusqu’au lieu dit Agueddin, situé entre la partie inférieure de la Moulouïa, la mer et la montagne de Kebdana, presque en face des îles Zaffarines…
Les camps marocains, après avoir sollicité et obtenu des munitions des autorités françaises, se disposèrent à attaquer de nouveau le 20 et le 21 décembre. Abdelkader était dans la plus grande confusion. Il avait commencé à traverser la Moulouïa pour se rapprocher de l’Algérie. Les troupes et les tribus marocaines se précipitèrent à sa poursuite. A la tête de ses fantassins et de ses cavaliers réguliers, Abdelkader essaya de contrer les assaillants, au prix de la vie de plus de la moitié de ses soldats. Il réussit à protéger le passage de la rivière et à ramener tout son monde au delà des limites du Maroc. Il forma alors le projet de livrer sa daïra aux Français et tenter de sa personne, la route du désert avec ses plus dévoués partisans ; c’était la seule voie que les troupes marocaines avaient laissé libre.
Cherchant son chemin dans l’obscurité, il interrogea sans soupçonner la méprise, un cavalier placé par les Français pour surveiller ses mouvements et demanda des renseignements pour gagner le pays des Beni Snassen, en traversant le col de Kerbous. Ces indications furent transmises aussitôt au général de Lamoricière qui prit des dispositions pour fermer cette voie.
Un officier indigène envoyé en reconnaissance distingua au milieu de l’obscurité de la nuit et de la pluie, l’émir Abdelkader et ses partisans qui tentaient de franchir le col. Abdelkader demanda alors à parlementer. La nuit et la pluie ne permettant pas d’écrire, l’émir apposa son cachet sur un papier blanc qu’il remit à l’officier et le chargea d’être son organe. Il offrit de se mettre entre les mains des Français, sous l’engagement d’être conduit avec sa famille à Saint Jean d’Acre ou à Alexandrie. Le général de Lamoricière ne pouvait non plus écrire. Il donna son sabre et le cachet du bureau arabe de Tlemcen comme gage de sa parole. En retour, après quelques incertitudes, Abdelkader écrivit au général, sollicitant une parole française pour se livrer sans défiance et se soumettre à sa destinée. L’engagement fut pris immédiatement. C’est ainsi que le 23 décembre, après une lutte acharnée de quinze ans, ce redoutable adversaire des Français, se rendit près du marabout de Sidi-Brahim, théâtre de l’un de ses plus importants succès contre l’armée française. Ensuite, il fut introduit devant le duc d’Aumale ; après s’être assis sur un signe du prince, il prononça les paroles suivantes : » J’aurais voulu faire plus tôt ce que je fais aujourd’hui. J’ai attendu l’heure marquée par Dieu. Le général m’a donné une parole sur laquelle je me suis fié. Je ne crains pas qu’elle soit violée par le fils d’un grand roi comme celui des Français. J’ai demandé son aman (protection) pour ma famille et pour moi. » Le duc d’Aumale confirma la promesse du général de Lamoricière et congédia l’émir dont on admira dans cette entrevue, l’attitude noble, calme et résignée.
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