Guerre d’Algérie – Suite, par Jean Freire

Posté par khalfi1 le 7 septembre 2017

Il est probable qu’en haut lieu on avait espéré des opérations plus brèves : Challe y fait allusion dans une réponse à une lettre pressante de Michel Debré, reçue à la fin d’avril. Il se sent tenu par le « planning » qu’il s’est lui-même fixé. Avant le mauvais temps, il lui faut s’attaquer au moins aux deux forts bastions que constituent les wilayas 2 et 3. Une brève opération « Etincelle » jetée à l’improviste du 5 au 12 juillet sur le Hodna, vise à y intercepter les nombreux éléments de l’A.L.N. détectés à ce moment, et à couper les liaisons entre Kabylie et Aurès. La promptitude de la manoeuvre est certes à elle seule un succès, de même que l’étendue du bouclage, qui ne fait pas moins de 250 kilomètres, et Challe prétend avoir détruit la moitié des effectifs présents.

Le fait est, pourtant que ces djebels sont presque aussitôt réoccupés, une fois les troupes parties. Mais le gros coup est réservé à la Kabylie. Challe a voulu pour l’opération « Jumelles » un déclenchement spectaculaire pour bien marquer « que les affaires sérieuses vont commencer ». Le 23 juillet au matin, le 6e R.P.I.Ma, saute sur l’Akfadou, l’ancien P.C. d’Amirouche. Des fusilliers marins de la D.B.F.M. débarquent au cap Sigli ; des colonnes de camions montés de partout amènent sur place les « réserves générales » portées à présent à 16 unités, quelque 15 000 hommes, qui, joints aux 25 000 des unités du secteur, investissent le massif kabyle. Challe installe son P.C. « Artois » sur la crête du Djurdjura, au col de Chellata, à 1700 mètres d’altitude, avec un vaste état-major. Une véritable « forêt d’antennes » permet d’établir des liaisons instantanées avec les unités qui ont été lancées dans une fouille généralisée, « peignant » et « ratissant » , à la recherche des katibas, fonds d’oueds, pentes, pitons, au milieu d’une végétation parfois impénétrable, des  dénivelés fréquents de 2 à 300 mètres. A la moindre alerte radio, le P.C. peut envoyer les renforts de la chasse et de 3 commandos-air, associés aux détachements d’hélicoptères. Dirigeant les troupes de deux zones associées dans l’opération, le général Faure s’est installé dans l’Akfadou et, de l’autre côté de la Soummam, le général Delpierre a fait de même à Tinebdar. Ce sont en effet les « zones-refuges » de l’Est et du Sud-Est qui ont été visées, car on espérait y détecter et annihiler les plus grosses unités adverses.

Mais la déconvenue est sévère : le 1er bilan, dressé après six jours, enregistrent une cinquantaine d’accrochages mineurs, 182 maquisards tués ou capturés, 140 armes saisies, moins que pour pour bien des semaines « normales »… Il faut se rendre à l’évidence : l’adversaire prévoyant de longue date l’opération, s’est totalement dilué en petits groupes, dissimulés dans des caches en pleine nature ou à proximité des villages qui les ravitaillent, ayant souvent mis leurs principales armes dans d’autres abris. Les fouilles ne donnent que peu de résultats, faute de renseignements. Après un autre coup lancé dans l’ouest de la Petite Kabylie (opération « Suzanne » le 11 août), la médiocrité des résultats atteints incite Challe à généraliser le « travail en surface ». A installer les unités au plus près des villages pour y obtenir les renseignements nécessaires, empêcher le ravitaillement d’en sortir, surprendre les maquisards contraints de partir à le recherche de nourriture. Ainsi commencent des semaines tragiques où dans des villages qui n’avaient plus vu de soldats français depuis longtemps, l’occupation va signifier interrogatoires, brutalités, et tortures en masse, blocus alimentaire, pressions de toutes sortes.

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