Journal d’une femme de chambre-Octave Mirbeau
Posté par khalfi1 le 27 novembre 2011
Le Journal d’une femme de chambre, d’Octave Mirbeau
Par François Busnel (L’Express), publié le 23/11/2011 à 15:00, mis à jour le 25/11/2011 à 16:16
Le Journal d’une femme de chambre, d’Octave Mirbeau, relève de l’anarchisme esthétique, selon François Busnel.
Un notable, grand de ce monde, qui prend plaisir à humilier une femme de chambre… Non, il ne s’agit pas de l’affaire qui agite la sphère politique française depuis le mois de mai dernier mais d’un roman publié en… 1900. Troublant? Relisons ce petit bijou d’humour et de férocité qu’est le Journal d’une femme de chambre, d’Octave Mirbeau.
Célestine est femme de chambre et tient son journal intime. Elle y décrit par le menu ses rencontres avec des maîtresses indignes, des bourgeois brutaux et cruels, des serviteurs vils et fourbes. Célestine ne déteste pas la compagnie des hommes mais n’a rien d’une catin. Son destin raconte le mépris dans lequel on tenait alors (on tient toujours?) les bonnes, ces dernières n’acquérant quelque valeur « que lorsqu’elles servent d’exutoire au trop-plein sexuel du maître insatisfait des soins de Madame », comme le note très justement Noël Arnaud dans la préface qu’il offre à ce chef-d’oeuvre. La scène, hilarante et tragique, des bottines jaunes offertes par l’oncle fétichiste en est le bel exemple.
Il faut que l’écrivain soit, en son âme et sa plume, anarchiste pour percer de la sorte les mystères de l’âme. Mirbeau débuta à droite de l’échiquier politique, s’abîma dans l’antisémitisme, traversa le miroir pour devenir un farouche partisan du capitaine Dreyfus, paya l’amende colossale infligée à Emile Zola après la publication de son « J’accuse » et brocarda d’une plume caustique les tenants de la réaction, dont il était pourtant issu. Immensément populaire en son temps, il défendit Monet et Pissarro contre les officiels, lança Van Gogh et Camille Claudel, aida Jules Renard et Alfred Jarry… Anarchiste, Mirbeau l’est surtout dans ses romans. Un anarchisme esthétique dont le Journal d’une femme de chambre montre la puissance, notamment dans la scène finale, où Célestine, devenue riche à son tour, devient ce qu’elle a dénoncé: Mirbeau se livre à une critique acide des vices des puissants mais aussi de la servitude et du mimétisme des domestiques, qui deviendront à leur tour de « nouveaux riches ». Comme tous les grands romanciers, il utilise la fiction pour décrire le monde dans lequel il se noie. Et, ce faisant, il anticipe le monde à venir. Le nôtre, où les grands se comportent avec les femmes de chambre comme jadis l’oncle fétichiste avec la soubrette.
- Écrit par Octave Mirbeau
- Édité par Gallimard
Découvrez les extraits des livres qui viennent de paraître. Cliquez ici
Recevez chaque jour toute l’actu culturelle :
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.