Sylvie Baudeloque- Son livre « Vérité de l’officiel »-Extrait

Posté par khalfi1 le 24 avril 2010

Allée 10, travée de gauche. Julien s’engage à la recherche de cette information, glanée à la mairie de Quessoy. Cela fait quarante ans qu’il rumine, qu’il y pense jour après jour, quarante ans qu’il enrage de ce gaspillage de temps, de peur, de jeunesse, de vies. Allée 2, un sanctuaire de fleurs blanches, roses pales, des photos, des mots d’amour gravés sur la pierre, à notre enfant chéri, à mon petit frère, à notre petit fils adoré, regrets éternels… 1994 – 1997. Julien s’arrête un instant devant cette tombe d’enfant, les larmes lui viennent, la vie est naturellement injuste, pourquoi faut il qu’une bande d’imbéciles en rajoute ? Pourquoi une poignée d’hommes décide du sort de leurs congénères ? Au nom de quoi, pas de qui, s’il y avait un dieu ça se saurait, un ramassis de planqués, de gouvernants se livrent aux sacrifices de gosses ! Bon sang, on était que des gosses ! Bon dieu, même lui avait ordonné l’interdiction du sacrifice humain, à croire que les hommes politiques sont sans foi ni loi, pourtant les lois, c’est eux, les guerres, c’est toujours eux et les pions c’est nous ! Julien marche lentement, accaparé par ses émotions, ses souvenirs, sa rage profonde de l’injustice, il parvient à la hauteur de l’allée 5, s’arrête sur le tombeau de famille Dubois, où sont enterrés les deux époux et une fille de 17 ans, morts tous trois le même jour. La tombe est admirablement entretenue, des minis arbustes, des fleurs fraîches, on devine la visite quotidienne de ceux qui restent, ceux qui continuent à vivre et à aimer leurs défunts. Julien a une pensée pour sa femme, pour ses enfants, il sent une douceur l’envahir au souvenir de Marie , il avait eu peur qu’elle ne l’attende pas, c’était arrivé à plus d’un, mais à son retour elle était là et grâce à elle il avait eu envie de profiter des bonheurs de l’existence, son envie de vivre était probablement plus marquée par son vécu, par la déconcertante réalité de la fragilité de la vie et il goûtait chaque jour à sa chance, finalement c’était une chance, d’être vivant et entouré de ceux qu’il aimait et qu’ils l’aimaient en retour. Il avait vu grandir et rire ses enfants et les enfants avaient eu un père attentif, joueur et aimant. Combien d’enfants n’avaient pas eu cette chance ? Julien repart dans ses pensées et poursuit son chemin à travers les allées, sa solitude ambiante ravive un douloureux passé, quelque chose d’enfoui depuis quarante ans, quelque chose qui lui appartient et que d’autres, comme lui, partagent ou ont partagé. Il vient en quelques sortes remuer tout ce foin, parlons en du foin, il est bien question de ça, ils nous ont pris pour des mules, ils nous ont exposé sans vergogne, sans aucun scrupule et tout ça pour du foin ! Julien explose de colère, intérieurement, comme toujours, lorsqu’il repense à cela, il ne supportera jamais l’idée, jamais ! Allée 9, c’est la prochaine…

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