Baudelaire
Posté par khalfi1 le 15 décembre 2009
« Un homme de génie, mélancolique, misanthrope, et voulant se venger de l’injustice de son siècle, jette un jour au feu toutes ses œuvres encore manuscrites. Et comme on lui reprochait cet effroyable holocauste fait à la haine, qui, d’ailleurs, était le sacrifice de toutes ses propres espérances, il répondit : « Qu’importe ? ce qui était important, c’était que ces choses fussent créées ; elles ont été créées, donc elles sont. » Il prêtait à toute chose créée un caractère indestructible. Combien cette idée s’applique plus évidemment encore à toutes nos pensées, à toutes nos actions, bonnes ou mauvaises ! Et si dans cette croyance il y a quelque chose d’infiniment consolant, dans le cas où notre esprit se tourne vers cette partie de nous-mêmes que nous pouvons considérer avec complaisance, n’y a-t-il pas aussi quelque chose d’infiniment terrible, dans le cas futur, inévitable, où notre esprit se tournera vers cette partie de nous-mêmes que nous ne pouvons affronter qu’avec horreur ? Dans le spirituel non plus que dans le matériel, rien ne se perd. De même que toute action, lancée dans le tourbillon de l’action universelle, est en soi irrévocable et irréparable, abstraction faite de ses résultats possibles, de même toute pensée est ineffaçable. Le palimpseste de la mémoire est indestructible. »
Charles Baudelaire, Visions d’Oxford, in Les Paradis artificiels.
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