Nedjma-Kateb Yacine
Posté par khalfi1 le 11 juillet 2008
La providence avait voulu que deux villes de ma passion aient leurs ruines près d’elles, dans le même crépuscule d’été, à si peu de distance de Carthage ; nulle part n’existent deux villes pareilles, soeurs de splendeur et de désolation qui virent saccager Carthage et ma Salammbô disparaître, entre Constantine, la nuit de juin, le collier de jasmin noirci sous ma chemise, et Bône où je perdis le sommeil, pour avoir sacrifié le gouffre du Rhummel à une autre ville et un autre fleuve, sur les traces de la gazelle fourvoyée qui pouvait seule m’arracher à l’ombre des cèdres, du père tué à la veille de ma naissance, dans la grotte que moi seul pouvait voir de mon balcon, par delà les cimes embaumées, et je quittais avec le père de l’inconnue les ruines de Cirta pour les ruines d’Hippone. Peu importe qu’Hippone soit en disgrâce, Carthage ensevelie, Cirta en pénitence et Nedjma déflorée… La cité ne fleurit pas, le sang ne s’évapore qu’au moment de la chute : Carthage évanouie, Hippone ressuscitée, Cirta entre terre et ciel, la triple épave revenue au soleil couchant, la terre du Maghreb.
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